Dans un arrêt du 22 décembre 2023 en assemblée plénière, la Cour de cassation a admis la preuve déloyale (donc l’enregistrement) en matière civile, lorsque celle-ci constitue l’unique moyen de faire valoir ses droits pour le requérant. Des enregistrements clandestins destinés à prouver la faute grave du salarié susceptible de justifier son licenciement ont été admis (Cour de cassation, Assemblée plénière, 22 décembre 2023, 20-20.648). Mais qu’en est-il pour les juridictions administratives dont la procédure est plus écrite et formalisée ?

La preuve déloyale en droit administratif

Le Conseil d’Etat, en 2014, s’était prononcé en rappelant que le principe de loyauté de l’Administration employeur vis-à-vis de ses agents impliquait l’impossible de motiver une sanction disciplinaire sur des pièces ou documents obtenus en méconnaissance de cette obligation sauf si un intérêt public majeur le justifie :

« Considérant, en premier lieu, qu’en l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen ; que toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté ; qu’il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie ; qu’il appartient au juge administratif, saisi d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un agent public, d’en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir » – Conseil d’État, Section du Contentieux, 16/07/2014, 355201, Publié au recueil Lebon

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Douai avait-elle écarté des retranscriptions, même par Huissier de Justice, des enregistrements clandestins de conversations au motif que : « eu égard au principe de loyauté des preuves qui s’impose dans le procès administratif, sauf si un intérêt public majeur le justifie, ce qui n’est pas démontré ni même allégué par Mme C…, ce procès-verbal de constat doit être écarté » – CAA Douai, 01/12/2016, n° 14DA01169

Dès lors, dans le cadre d’une procédure disciplinaire intentée par une administration contre l’un de ses agents, il est très difficile d’imaginer une situation où des preuves par enregistrements audio à l’insu des agents pourrait être admise.

L’enregistrement audio : un mode de preuve extrêmement périlleux et déconseillé

Plus récemment, la Cour administrative d’appel de Nancy a eu à connaitre d’un cas dans lequel le requérant avait ordonné à l’un de ses collègues, sous son autorité hiérarchique, un dispositif d’enregistrement discret dans un véhicule de service, aux fins de le placer en difficulté, car il le soupçonnait d’avoir bloqué sa carte professionnelle par malveillance. La Cour a rappelé que cette situation constituait un manquement aux obligations de loyauté, de dignité et d’exemplarité :

« la décision contestée ne reproche pas au requérant d’avoir placé lui-même le dispositif, mais d’avoir eu l’idée d’enregistrer secrètement les conversations de l’un de ses collègues pendant le service (…) la démarche consistant à faire enregistrer secrètement les conversations de ses collègues (…) a eu pour effet d’exacerber les tensions déjà prégnantes dans le service » – CAA Nancy, 30/04/2024, n° 22NC01016

Il en va de même lorsqu’un agent enregistre à leur insu ses supérieurs hiérarchiques lors d’entretiens professionnels :

« Si le conseil de discipline a considéré que l’attitude inadaptée et conflictuelle de Mme H. envers ses collègues ne pouvait être regardée comme suffisamment établie au vu du dossier qui lui était soumis, il a en revanche relevé son attitude inappropriée à l’égard de ses conseillers mobilité et de nombreux membres de sa hiérarchie et, partant, son attitude conflictuelle à l’égard de la communauté de travail, faits qui fondent à eux seuls et en tout état de cause la sanction en litige. Enfin et contrairement à ce qu’elle affirme, la requérante a reconnu lors de la séance du conseil de discipline avoir procédé à l’enregistrement de ses supérieurs à leur insu lors d’un entretien. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d’établissement du comportement fautif reproché à la requérante doit être écarté. » – TA Lyon, 03/05/2024, n° 2203751

 

Dans ces circonstances, il est vivement recommandé d’être accompagné pour toute procédure contentieuse administrative reposant sur des éléments de preuves. Votre avocat saur utilement vous conseiller sur la production des pièces et leur caractère probant ou non.

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