Dans l’univers des marchés publics, le référé précontractuel est bien connu des opérateurs économiques. Le référé contractuel, lui, est plus rare — d’autant plus lorsqu’il s’inscrit dans une procédure adaptée. C’est pourtant dans ce cadre qu’est intervenue une ordonnance récente du Tribunal administratif de Strasbourg, à propos d’un marché portant sur l’organisation du spectacle pyrotechnique et lumineux pour la Fête nationale.
Une entreprise évincée avait en effet saisi le juge d’un référé contractuel, estimant que le marché avait été irrégulièrement signé par la Ville de Strasbourg, que notre cabinet a représenté dans le cadre de cette instance.
L’entreprise soutenait notamment que le signataire du marché n’avait pas reçu compétence pour conclure le contrat, ce qui entachait d’irrégularité la procédure de passation. Elle relevait également que le marché avait été signé le même jour que la notification du rejet de son offre, que l’incompétence du signataire impliquait l’absence de signature du marché, et ainsi, que la voie du référé précontractuel lui était encore ouverte – recours plus large que le référé contractuel, notamment s’agissant des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence pouvant être soulevés.
Une compétence bien établie, un recours mal ciblé
Le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg a toutefois écarté ces arguments, et a suivi notre raisonnement.
D’une part, la compétence du signataire ne relève pas d’un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence, seuls griefs pouvant être invoqués utilement dans le cadre d’un référé contractuel (articles L. 551-13 et suivants du Code de justice administrative). Le juge du référé précontractuel l’avait déjà retenu (TA Paris, 30 septembre 2014, n° 1416911). C’est ce que le juge du référé contractuel semble retenir implicitement dans cette instance.
D’autre part, nous rappelions qu’en procédure adaptée, comme cela était le cas en l’espèce, il n’existe aucune obligation de respecter le délai de standstill entre l’envoi des décisions de rejet et la signature du contrat. Ce délai de suspension de 11 jours (prévu à l’article R. 2182-1 du Code de la commande publique) ne s’applique qu’aux procédures formalisées, comme l’appel d’offres.
Ainsi, la signature du marché le jour même de la notification du rejet n’est pas irrégulière, et ne prive pas l’entreprise de son droit à un recours effectif, dès lors que la procédure suivie ne l’imposait pas.
Enfin, le moyen tiré de l’incompétence du signataire n’était en tout état de cause pas fondé : nous relevions qu’une délibération attribuant expressément cette compétence avait été régulièrement adoptée et publiée avant même le lancement de la consultation.
La procédure de consultation confirmée, pas d’embrasement juridique
Cette affaire est éclairante sur deux points notamment :
- En procédure adaptée, la signature immédiate du marché est licite, en l’absence d’obligation de standstill ;
- En référé contractuel, seuls les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence peuvent être utilement invoqués. Les moyens tirés de l’incompétence du signataire relèvent, au mieux, du plein contentieux contractuel, et non de l’urgence.
Une jurisprudence utile à garder en tête… pour éviter de faire des étincelles !
TA Strasbourg, n° 2504192, 17 juin 2025
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