Le 14 décembre 2024, le Conseil d’État, juridiction administrative suprême en France, a rendu une décision importante dans le cadre de l’« Affaire du siècle » (n° 492030). Cet arrêt s’inscrit dans la continuité des contentieux climatiques visant à contraindre l’État français à respecter ses obligations environnementales et climatiques.

Contexte juridique et procédural

L’Affaire du siècle a été initiée en 2019 par quatre associations environnementales (« Notre Affaire à Tous », Greenpeace France, la Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France). Ces organisations ont saisi la justice administrative pour inaction climatique, invoquant l’obligation de l’État de respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixés par la loi et les accords internationaux, notamment l’Accord de Paris.

Après plusieurs décisions majeures, le Conseil d’État avait enjoint l’État français, dans une décision de 2021, à prendre des mesures correctives pour respecter l’objectif de réduction des émissions de GES. Cependant, les associations requérantes ont estimé que les efforts entrepris demeuraient insuffisants, ce qui a conduit à de nouveaux développements contentieux.

La décision du 14 décembre 2024

Dans cet arrêt, le Conseil d’État a décidé de transmettre le litige relatif à l’exécution de ses injonctions précédentes à la cour administrative d’appel de Paris. Cette décision marque une étape procédurale importante et met en lumière plusieurs points juridiques cruciaux :

  1. Compétence juridictionnelle : Le Conseil d’État a choisi de confier le suivi de l’exécution à une juridiction d’appel, soulignant ainsi l’importance de garantir une surveillance effective et adaptée des mesures imposées à l’État.
  2. Responsabilité de l’État : L’arrêt confirme que l’inaction climatique peut engager la responsabilité de l’État, renforçant ainsi la justiciabilité des obligations climatiques dans l’ordre juridique interne. Cet aspect pourrait ainsi redéfinir les contours de la responsabilité administrative.
  3. Droits fondamentaux et environnement : La décision s’appuie sur des principes fondamentaux, tels que le droit à un environnement sain, consacré par la Charte de l’environnement.

Enjeux juridiques et contentieux climatiques

Cette décision du Conseil d’État met en lumière les enjeux juridiques liés à l’action publique en matière climatique :

  • Obligations de résultat vs obligations de moyens : L’État français est tenu de résultats concrets en matière de réduction des GES, et non simplement de moyens insuffisants.
  • Rôle du juge administratif : Le contentieux climatique illustre le rôle croissant des juridictions administratives dans le contrôle des politiques publiques, notamment environnementales.
  • Effets des injonctions : Cette affaire pose la question de l’efficacité des injonctions judiciaires contre l’État, notamment lorsque les résultats attendus ne sont pas atteints.

Perspectives

L’affaire du siècle constitue une étape majeure pour le contentieux climatique en France. En confiant le suivi du litige à la cour administrative d’appel de Paris, le Conseil d’État réaffirme l’importance de la justice administrative dans la lutte contre le changement climatique.

Cet arrêt offre à la fois une base juridique solide pour de futures actions en justice et un signal fort en faveur de la responsabilisation de l’État face aux défis environnementaux. Le contentieux climatique, encore émergent, pourrait s’intensifier et influencer durablement les politiques publiques en France et à l’échelle internationale.