Le 8 septembre 2016, un père de famille de 50 ans, en parfaite santé, décède brutalement lors de son jogging dans l’estuaire du Gouessant, à Hillion (Côtes-d’Armor). Son chien revient seul, couvert de vase. On retrouve le corps du sportif sans vie, allongé dans une vasière.
Ce fait divers dramatique a profondément marqué l’opinion publique. Car si les causes précises du décès n’ont pu être formellement établies au moment de l’autopsie, de nombreux indices convergent vers une intoxication à l’hydrogène sulfuré (H₂S), un gaz extrêmement toxique produit par la décomposition de matières organiques – en particulier les algues vertes.
Une responsabilité environnementale de l’État
L’affaire a conduit à une longue procédure contentieuse. Dans une décision du 24 juin 2025, la cour administrative d’appel de Nantes a partiellement fait droit aux demandes de la famille du défunt, estimant que l’État avait failli à ses obligations de prévention environnementale.
Les magistrats ont rappelé que la prolifération des algues vertes sur le littoral breton trouve sa cause principale dans la pollution agricole, notamment les excès de nitrates. Or, l’État avait été à plusieurs reprises mis en cause – y compris au niveau européen – pour son laxisme en matière de réglementation, de désignation des zones vulnérables et de contrôle des pratiques agricoles intensives.
Ces manquements, cumulés à l’absence de résultats significatifs malgré les plans successifs de lutte, ont été jugés constitutifs d’une faute engageant la responsabilité de l’État.
Un lien de causalité établi malgré l’incertitude scientifique
Malgré l’impossibilité d’apporter une preuve scientifique irréfutable (aucun test toxicologique immédiat n’avait pu être pratiqué), la cour a retenu l’existence d’un faisceau d’indices suffisamment probants : état cyanosé du visage de la victime, lésions pulmonaires observées lors de l’analyse anatomo-pathologique, symptômes ressentis par les pompiers intervenus sur place, et surtout, relevés de concentrations d’H₂S dépassant 1000 ppm à l’endroit du drame – un seuil largement létal.
La juridiction a ainsi estimé que le décès était imputable à une intoxication aiguë liée à la décomposition d’algues vertes présentes dans la vase de l’estuaire.
Une imprudence partielle du joggeur retenue
Toutefois, la cour a souligné que la victime connaissait bien les lieux et les risques liés à la présence d’algues dans les vasières. En décidant de traverser l’estran du Gouessant, elle a fait preuve d’imprudence. Cette faute partielle a conduit la cour à réduire la part de responsabilité de l’État à 60 %.
Une affaire emblématique : le sport et le droit confrontés aux enjeux écologiques
Ce jugement revêt une portée particulière : il illustre comment une pratique sportive ordinaire – le jogging – peut, dans un contexte environnemental dégradé, devenir mortelle. La décision rappelle également que le droit peut, et doit, répondre aux défaillances structurelles des politiques publiques environnementales, même lorsque les chaînes de causalité sont complexes.
Enfin, si l’alpinisme ou d’autres disciplines extrêmes impliquent naturellement une prise de risque, le jogging ne fait généralement pas partie des sports « à risques ». Cette décision vient donc poser les bases d’une réflexion plus large sur l’information des usagers, la prévention des dangers naturels et les responsabilités des pouvoirs publics dans un contexte de dégradation écologique croissante.
Le cabinet MIGLIORE PERREY Avocats vous accompagne aussi bien en droit du sport, qu’en droit de l’environnement.
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